L’élection présidentielle du 12 octobre 2025 a littéralement éclipsé les deuxièmes élections régionales de l’histoire du Cameroun. Les enjeux sont ailleurs.
A moins de 18h du délai de clôture des dossiers de candidatures pour les élections régionales de novembre 2025, un seul parti politique avait déposé les listes dans la région de l’Ouest, celui du Fdc de Maximilien Atangana dans les Hauts Plateaux. Une circonscription où il n’a aucun électeur. A l’inverse, plusieurs listes concurrentes étaient déjà signalées dans le collège des chefferies traditionnelles, notamment dans le Ndé, la Menoua et autres. Ces deux photographies traduisent la réalité d’une élection aux enjeux contrastés. Animées dans le collège des chefs traditionnels, on s’achemine vers des élections sans objet dans le collège des partis politiques. Et pour cause !
Inscrites dans la Constitution du 18 janvier 1996, il a fallu attendre un quart de siècle pour voir les premières élections régionales au Cameroun en décembre 2020. Il s’agit d’un scrutin indirect à deux collèges. Celui des partis politiques et celui des chefferies traditionnelles. Si le premier collège est effectivement ouvert à tous les partis légalisés, ce n’est pas inutile de rappeler que les électeurs de ce scrutin sont les conseillers municipaux portés dans les assemblées locales par les partis politiques. Matériellement, le parti politique disposant des conseillers municipaux est logiquement celui qui va remporter l’élection des conseillers régionaux. Pour prendre l’exemple de la circonscription des Hauts Plateaux où le Fdc a déposé sa liste, le suspense est interdit quand on fait constater que les 100 conseillers municipaux sont tous aux couleurs du Rdpc, le parti ultra dominant de la scène politique locale.
Il faut aussi rappeler que les Conseillers régionaux dont le mandat va être renouvelé ont été élus en 2020 par les mêmes électeurs qui vont les élire dans quelques semaines. Un non-sens démocratique qui s’explique par la prolongation du mandat des conseillers municipaux, décidée par le chef de l’Etat, tout en maintenant le calendrier des conseillers régionaux.
Partant de là, on peut comprendre pourquoi les partis politiques ne se bousculent pas dans les bureaux de Elecam pour déposer leurs dossiers de candidature. Les dés sont pipés.
Notons cependant que s’il y a enjeu, ce sera à l’intérieur même du Rdpc où des règles de gouvernance limitent les ambitions des militants. Le parti de Paul Biya a en effet établi des règles incroyables de non cumul dans les fins de caser ses militants de plus en plus nombreux pour des postes plutôt rares. Au Rdpc par exemple, un candidat au poste de conseiller municipal ne peut pas candidater au poste de député. C’est plus que ce que la Constitution demande. Et dans le même ordre d’idée, ils ont dit dans le parti de Paul Biya qu’un conseiller régional ne peut pas viser plus haut non plus. Et du coup, ce poste qui n’apporte pas grand prestige ne présente plus qu’un intérêt limité pour les poids lourds. En attendant la confirmation avec le dépôt des listes, dans les coulisses, on a ainsi appris que les listes du Rdpc promises à la victoire seront dépouillées de certaines grandes figures telles que Emmanuel Neossi dans le Haut Nkam, André Siaka dans le Koung Khi, Bernard Fongang dans les Hauts Plateaux ou encore Jules Famaha dans le Ndé. Il s’agit des cadors dont les noms avaient été avancés en 2020 comme candidats à la présidence du Conseil Régional. Le Président de la République, Président national du Rdpc leur a préféré Dr. Jules Hilaire Focka Focka. La reconduction de ce dernier étant dans l’air du temps, on peut penser que ces cadors ont estimé nécessaire de ne pas griller leur joker. Une mise en retrait volontaire qui accentue le désintérêt autour d’une élection écrite d’avance.
Les médias vont se rattraper avec les passes d’armes dans le collège des chefs traditionnels. En 2020, dans les 8 départements de l’Ouest, la bataille avait été rude dans 2, le Koung Khi et la Menoua. S.M. Djomo Kamga avait fait parler la puissance Todjom dans le premier cas et il avait fallu un second tour pour départager les chefs de la Menoua. A cette fois, le Ndé est rentré dans la danse. On en reparle !
Martial HOGBE MATIP