Home Politique Élection présidentielle du 12 octobre 2025: Comment comprendre la débâcle des ministres...

Élection présidentielle du 12 octobre 2025: Comment comprendre la débâcle des ministres dans leurs circonscriptions à l’Ouest

55
0

Les résultats de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 présentent un rejet total du Rdpc. Certains ministres pourtant très populaires au sein de leurs populations ont de même été battus dans leurs fiefs. Une surprise qui se comprend au regard d’un testament ignoré.

Loin des résultats qui seront proclamés dans quelques heures par le Conseil Constitutionnel, le Rdpc a perdu partout où il était donné de voter librement. Un échec cuisant qui s’est mieux observé dans la région de l’Ouest avec des constantes surprenantes. Aucun haut commis de l’Etat n’a vraiment gagné dans sa circonscription. L’allié Momo Jean de Dieu a perdu à Bafou. Dans leurs bureaux de vote, les autres membres du gouvernement ont bu la tasse. De la baronne des ministres au ministre conseiller spécial de la Présidence en passant par le ministre Sga/Pm, le revers a été total. La défaite la plus surprenante est celle du ministre Nganou Djoumessi Emmanuel dont le résultat électoral est inversement proportionnel à l’amour que les populations du Bamboutos lui portent. Qu’est ce qui s’est réellement passé et comment l’expliquer ? C’est un exercice aujourd’hui nécessaire pour éviter une fausse appréciation de la situation et des représailles inappropriés contre des proches chez qui on ne comprendrait pas la trahison.

En cherchant dans l’histoire du Rdpc et en fouillant dans ses archives, Ouest Echos est tombé sur un texte publié en 2016 par feue Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya annonçant quelque peu ce qui s’est finalement réalisé 9 ans plus tard. Nous le soumettons à votre lecture ci-dessous. Sa proximité générationnelle avec le président Paul Biya, sa longue expérience de gestion des hommes et des dossiers l’autorisaient à une lucidité et une liberté de ton que son parti et ses camarades pouvaient mieux exploiter. Si de par ses fonctions, « Paul Biya détient les clés du bonheur et du malheur des Camerounais » disait-il, son parti ne devrait pas selon lui « confondre la longévité d’une personne au pouvoir à la conservation du pouvoir par un parti politique ».

C’est un début de compréhension de ce qui s’est passé le 12 octobre 2025 dans l’ensemble du pays. Ce n’était pas une élection présidentielle opposant le candidat du Rdpc à d’autres candidats. C’était un référendum pour ou contre la « longévité d’une personne au pouvoir ».

En présentant l’affaire sous ce prisme, les données ne sont plus tout à fait les mêmes. L’habilité du Président Paul Biya ou du moins le confusionnisme qu’il a créé, est d’avoir voulu associer un dessein moins louable (sa reconduction sans réelle perspective de renouveau pour le pays après un éreintant magistère de 43 ans) à celle de la survie d’un parti politique à qui il ne semble pas avoir trouvé une autre mission que d’être le véhicule et l’instrument de sa perpétuation au pouvoir.

Sur le papier, le Rdpc reste imbattable, même sans fraude, au regard de son ancrage et de sa structuration fonctionnelle, à condition bien sûr de s’organiser comme un parti politique sérieux. On se sait même plus à quelle périodicité ce parti tient ses instances. Des hiérarques décèdent sans qu’on puisse les remplacer. Dernièrement, le Président national a nommé des membres du Comité central en faisant l’économie des assises statutaires, le « décret présidentiel » ayant suffi (exactement ce que feu le sénateur Ibrahim Mbombo Njoya appelait de ses vœux dans son adresse). Sur le terrain, la défaite de certains ministres, notamment Emmanuel Nganou Djoumessi ou encore Pr. Pascal Nguihe Kante, ne s’explique pas, au regard des attentions qu’ils portent à leurs populations.

Référendum

Ce que Emmanuel Nganou Djoumessi a fait pour les Bamboutos, le regard de Ouest Echos, un journal présent sur le terrain depuis plus de 30 ans indique que personne avant lui ne l’avait fait et même après lui, il sera difficile d’établir un égal  bilan comparable en termes des infrastructures et ou d’accompagnement ou de promotion des fils du département dans la haute administration publique.

On peut en dire autant de certains autres ministres qui n’ont pas rapportés les résultats escomptés pour le candidat de leur parti ou pour le champion allié.

Partant de là, ces relais du Président Biya ne devraient pas trop se meurtrir les tripes. Ils ont fait ce qu’ils ont pu et les populations ont décidé que la Grandeur et l’Espérance qu’elles ont pour le pays étaient plus jouables qu’un saut dans l’inconnu qui consiste à laisser les clefs de la continuité à un nonagénaire. Pour apporter quoi de plus qu’il ne l’ait pas fait en 43 ans au pouvoir ? Quel autre message de ras-le-bol et de désespoir, n’arrive-t-on pas à lire quand des gens en viennent à choisir en toute connaissance de cause un “bon diable” plutôt que de s’imaginer 7 ans de plus sous le magistère de Paul Biya ?

De mémoire de chroniqueur, jamais ces 30 dernières années, on a vu une élection mobiliser autant les Camerounais, notamment les jeunes qui se sont rendus dans les urnes pour voter et pallier aux insuffisances de celui qui symbolisait au mieux la promesse de l’alternance. Dans les 150 bureaux de vote que nous avons personnellement couvert, le taux de participation variait entre 55% et 62%. Ce qui est particulièrement énorme quand on intègre que la dernière refonte des listes électorales date de 13 ans

Les électeurs sont sortis en masse pour voter un diable qu’ils ne connaissent pas, assurer la surveillance des votes et défier les autorités administratives ou judiciaires tentées de fausser leurs suffrages, le tout dans un engagement qu’on n’avait pas vu depuis 33 ans, c’est à dire les élections de 1992 qui charriaient leur part d’espérance de changement et de Renouveau, avant que l’engouement ne retombe face aux déceptions.

En ce temps déjà, le très habile Paul Biya avait réussi à brider la volonté de son peuple par élimination, corruption ou discrédit de ses rivaux sur qui ce peuple reposait ses espoirs. 33 ans plus tard, Paul Biya pourra-t-il parvenir aux mêmes fins sans casses majeures ? L’état d’esprit de ses concitoyens interroge. Ce peuple ne cherche même plus la perfection ou quelqu’un de meilleur. Ce peuple tourne le dos à ses élites qu’il vénère en d’autres occasions, parce que celles-ci sont venues cette fois lui demander de reconduire Paul Biya. Encore ? s’interroge-t-il ! En répondant massivement par la négative comme on l’a vu sur le terrain, le peuple dit tout simplement son désir inaltérable pour le départ de Paul Biya. Il veut autre chose. « Même si c’est le diable ! ». C’est un message qui doit être compris sans état d’âmes.

Michel Eclador PEKOUA

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here