On n’a pas connu pareille élévation à Bandenkop depuis plus de 60 ans. Il s’est agi de la création d’une nouvelle lignée de « père de Koungang » (Takou). Sa Majesté Homsi Feze l’a fait, portant à 11 le nombre total de tels dignitaires depuis la création de ce groupement il y a près de 5 siècles.
La complexité de la culture et des traditions Bamiléké s’est encore exprimée dans toute sa plénitude dimanche dernier à Bandenkop à l’occasion de l’élévation cultuelle du 11e « père de Koungang » dans ce groupement des Hauts Plateaux. Sa Majesté Homsi Feze, le Fo’o des Denkwop a en effet décidé d’élever un de ses fils à la parité des leaders cultuels qui ont pouvoir et autorité de conduire le « Koungang ». Le Koungang étant le nom de cette caste et danse mythique aux attributs métaphysiques qui fascinent l’imaginaire de nos populations des Grassfields. Le héros du jour, né sous le nom de Bouopda et désormais connu sous le nom de son père Bah Mekwui Wouankem était ainsi distingué en même temps que son fils porté à la dignité de son adjoint, Djoko Serge Armel, qui est dans le civil, un opérateur économique qui fait dans la grande distribution, lui étant le patron de Sopal. La rigueur de ce rituel est telle que cette cérémonie qui avait été précédemment organisée, se trouvait être reprise, à cause de certains manquements dont seuls les initiés avaient connaissance. Les profanes n’étant réduits qu’au constat de ce que les choses avaient été reprises. Point barre !
La forte pluie qui s’est abattue sur le pays ce dimanche et singulièrement sur la région de l’Ouest et sur Bandenkop n’a pas empêché les festivités qui étaient prévues. Bien en place dans son palais, Sa Majesté Homsi Feze attendait le signal de son arrivée aux côtés de 3 collègues Fo’o de la région qu’il avait invités pour l’accompagner à cette cérémonie de sacre. Sur place, la pluie dictait sa loi. A l’abri dans différentes maisons apprêtées, les futurs danseurs et de simples invités se côtoyaient encore, sans savoir qui est qui, se bousculant autour des buffets achalandés. Parmi eux, de nombreux locaux de Bandenkop certes mais pas que, puisque la souche de cette famille qui revendique une descendance de près de 400 personnes a profondément essaimé du côté de Bapa, de Bapouantou, Baham, Batcham, Bandja, Bangou etc. Les tables se vidaient et se remplissaient à une cadence soutenue, en même temps que les bouteilles vides s’entassaient dans des recoins. Pour faire chic, le patron de Sopal qui assurait ces commodités, avait fait venir des Bororo pour un service barbecue à la carte. Des filets de chèvres et moutons passaient ainsi des grillades aux plats au grand plaisir des consommateurs. Il n’était pas question de donner des raisons aux participants de dire que la fête n’était pas belle parce qu’on les a laissés « au désert ».
En fait, c’était le but de cette phase des cérémonies : Réunir les populations et faire bombance avec elles pour qu’elles soient les témoins de ce passage de grade traditionnel et coutumier. Parce que dans le fond, l’essentiel du culte avait été fait auparavant. Tous les lendemains du jour du marché pendant 9 semaines qui ont précédé ce jour, la danse du Koungang était exécutée dans cette concession. Le maître des lieux étant en initiation au La’akam avec son équipe. Chaque étape correspondant à des acquis mystiques. La veille de cette sortie de clôture, un serviteur du Fo’o était venu planter un arbre de paix dans un espace appelé « Meuya » avant de l’arroser de sel, d’huile et de jujube en signe de sanctification des lieux.
Repus de nourritures et de boissons, les plus impatients et ceux tenus par d’autres engagements quittaient les lieux, sans effaroucher les danseurs qui savaient ce qu’ils ont à faire et quand ils vont le faire. De temps à autres, on voyait des gens s’éclipser mais en fait, ils coulissaient, chacun à son rythme, vers une case où entre initiés, ils se transformaient. Alors que la nuit s’annonçait, on entendit soudainement le son des tams-tams en provenance du « Meuya » et les gens y accoururent. La parade des Koungang venait de commencer, puis on vit sortir de nulle part des danseurs masqués avançant en file indienne. Les plus gradés étaient à visage découvert. Sous une cadence endiablée, les batteurs et percussionnistes défiaient les éléments de la nature, emplissant le coin des sonorités qui emportaient danseurs et spectateurs. Le rite d’élévation était bouclé.
Sah HOMGWONG








