Home Culture Arts Plastiques :« Violences conjugales » : L’exposition de Débora Yawdam est à voir…

Arts Plastiques :« Violences conjugales » : L’exposition de Débora Yawdam est à voir…

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Les galeries de Bandjoun Station ont à l’affiche, l’exposition des œuvres de Debora Yawdam qui donnent un sens aux souffrances étouffées des violences conjugales. Le public averti gagnerait à y faire un ou plusieurs tours avant le 17 octobre 2025.

Jeudi 2 octobre 2025, nous franchissons la grille du bâtiment qui abrite le plus grand musée d’arts contemporains de la Région de l’Ouest, on parle bien sûr de « Bandjoun Station ». Une initiative de Barthelemy Toguo qui vit son art en communion, mieux en évangéliste. Artiste plasticien de renommée planétaire, originaire de Bandjoun mais né hors de Bandjoun, précisément à Mbalmayo en 1967, il s’était aménagé un pied à terre sur le sol de ses ancêtres pour partager et échanger sa passion avec un public en herbe. Aux amateurs d’en prendre la graine en découvrant et en se frottant aux différents programmes périodiques que Bandjoun Station leur propose.

Une fois dans le grand hall du rez-de-chaussée de cet immeuble chatoyant que personne ne peut louper en empruntant l’embranchement qui va chez Fotso Victor à Mbouo, nous trouvons trois stagiaires. Ils sont étudiants à l’Institut des Beaux-Arts de Foumban. Nous sommes vernis ! Ils se proposent de nous faire découvrir la maison et surtout les œuvres de Debora Yawdam qui sont en tête d’affiche depuis le 27 septembre 2025 et ce jusqu’au 17 octobre 2025, celles-ci sont exposées au deuxième niveau d’un immeuble qui en compte en réalité cinq, sous-sol compris pour les projections cinématographiques.

Agée de 30 ans en cette année, Debora Yawdam est une Plasticienne camerounaise née à Garoua. Cette fille du Sahel fait partie des belles promesses artistiques du 237 et a en tout cas, les rudiments de son art, puisqu’elle est diplômée en Art Plastique et Histoire de l’Art de l’Université de Maroua cuvée 2021 et compte à son actif résidences et expositions collectives (« Fragments d’aujourd’hui » à l’IFC de Yaoundé en 2025, puis « Crypto Art-Les Pionniers Camer » à Paris avant un retour au pays avec « Douala NFT ») Son expo de Bandjoun Station est la première du genre, inédit par le lieu et inédit aussi par l’exposition en solo.

Supplément d’âme

A l’entame des œuvres de Debora Yawdam à cet étage qui lui est consacré, le circuit comme un parcours de formule 1, a ses courbes tout en rondeur et des lignes droites qui donnent le vertige. Il commence par un tableau des mots qui font les maux des violences conjugales, ici les collages éveillent les sens, tranchants au toucher comme une lame qui blesse et défigure, ces mots/maux ont un goût de larmes et la couleur pourpre qui s’en dégage, renvoie au sang, perçant l’ouïe des cris stridents de la douleur et de la souffrance. Pourtant, expose la deuxième œuvre de Debora qui est déjà dans la phase des premières courbes, au départ il y avait la flamme du cœur, laquelle s’est transformée en chaines liantes puis en menottes qui annoncent une plongée dans l’horreur. « Mon beau pagne » (troisième pièce de l’exposition), ce pagne symbole de protection et de promesses à la promise contre le dénuement vire à l’écarlate, taché par l’hémoglobine qui porte la vie et qui la fuit par écoulement. On sort ainsi des courbes pour attaquer la ligne droite de l’exposition qui devient alors haletante de vitesse, les maux et mots étouffent et explosent. Les impacts ne finissent pas dans le décor, fouettant avec rage leurs victimes, ils leur laissent des traces sanguinolentes sur différents organes et parties du corps portés par des tableaux odieux de réalités crues, de sauvageries et de lieux communs sur les violences conjugales.

Puis l’exposition retrouve une ultime bifurcation, ici matérialisée par des tableaux de la résignation. La victime ne se plaint plus. Elle attend. Elle attend. La mort ou la mort. Celle qu’elle reçoit ou celle qu’elle donne, quand la rage de l’instinct de survie transformera peut-être les objets de son quotidien (couteau à éplucher, ciseau, fourchette, etc.) en dague de la mort.

La vérité étant que cette exposition de Debora Yawdam parle de « violences conjugales » et non de « violences faites aux femmes », le genre de l’affaire n’étant pas spécifiquement masculin ou féminin. Une exposition qui n’en détaille pas moins, un vécu connu, celui des plaies sur lesquelles l’artiste met le doigt. Et si à la fin du circuit, le visiteur athlète n’a pas été tétanisé, peut-être qu’il faudrait s’interroger sur son supplément d’âme ou alors considérer simplement qu’il ne s’est pas suffisamment interrogé sur ce qui lui a été donné de voir…

Rappelons que cette exposition court jusqu’au 17 octobre 2025.

Michel Eclador PEKOUA

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